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244. Apparition en Judée et Ascension, au mont des Oliviers. (40 jours après Pâques : Ac 1, 2b-13a).

Marc 16, 19-20. Luc 24, 44-53. Actes 1, 2b-13a.

Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, après avoir donné ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis sous l’action de l’Esprit Saint, fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de Dieu.

C’est encore à eux qu’avec bien des preuves il s’était montré vivant après sa passion ; pendant quarante jours, il leur était apparu et les avaient entretenus du Royaume de Dieu.

Alors, au cours d’un repas qu’il partageait avec eux, il leur enjoignit de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis, « ce que, dit-il, je vous ai appris : Jean, lui, a baptisé avec de l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours. »

Puis il leur dit : « Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »

Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures, et il leur dit : « Ainsi était-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. 

« Pour moi, voici que je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la Ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en-Haut. »

Puis il les emmena jusque vers Béthanie.

Ils s’étaient réunis et le questionnaient : « Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu vas restaurer la royauté en Israël ? » Il leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité. Mais vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre. »

Quand il eut dit cela, levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils le virent s’élever, puis une nuée vint le soustraire à leurs regards.

Et comme ils étaient là, les yeux fixés au ciel pendant qu’il s’en allait, voici que leur apparurent deux hommes vêtus de blanc, qui leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus, viendra comme cela, de la même manière dont vous l’avez vu partir vers le ciel. »

Pour eux, s’étant prosternés devant lui, ils revinrent à Jérusalem en grande joie.

Alors, du mont des Oliviers, ils s’en retournèrent à Jérusalem ; la distance n’est pas grande, celle d’un chemin de sabbat. Rentrés à la Ville, ils montèrent à la chambre haute où ils se tenaient habituellement.

Et ils étaient continuellement dans le Temple à louer Dieu.

Pour eux, ils s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les miracles qui l’accompagnaient.

Episode 244. Commentaires. 

Dernier épisode de notre biographie de Jésus-Christ. La synthèse ci-dessus a ceci de remarquable qu’elle rassemble trois textes canoniques, relatifs à la vie de Jésus, qui sont tous écrits, probablement, de la main du même auteur : saint Luc. Je m’explique. Selon moi la finale de Marc (16, 9-20) doit être attribuée à Luc. Elle en a tout à fait le style ; elle résume les traditions de l’évangile de saint Jean et de l’évangile de saint Luc, pour le récit des apparitions du Christ après sa Résurrection. Luc, en effet, a pu connaître la tradition johannique à la source, par contact direct avec saint Jean, avant même la parution du quatrième évangile. Le troisième évangile, quant à lui, est de tradition immémoriale attribué à saint Luc, compagnon de Paul. Tandis que les Actes des Apôtres, qui en sont la suite, ont évidemment le même auteur. Au total, la finale de saint Marc, les derniers versets de l’évangile selon Luc, et les tout premiers versets des Actes des Apôtres, seraient trois péricopes rédigées par le même Luc.

L’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’en est pas moins un événement historique fortement ancré dans la tradition de l’Eglise chrétienne. En plus des écrits lucaniens, elle est affirmée, ou tout au moins supposée, en trois autres endroits du Nouveau Testament. La première épître de saint Pierre : « Lui [Jésus-Christ] qui, passé au ciel, est à la droite de Dieu, après s’être soumis les Anges, les Dominations et les Puissances. » (1 P 3, 22). L’épître aux Romains : « Le Christ Jésus, celui qui est mort, que dis-je ? ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous. » (Rm 8, 34). L’épître aux Hébreux : « Nous avons un pareil grand prêtre qui s’est assis à la droite du trône de la Majesté dans les cieux. » (He 8, 1). Elle fait partie intégrante du kérygme de la foi. Elle est inscrite en bonne place dans le Credo.

Cet événement historique intervient, selon les Actes (1, 3), quarante jours après la Résurrection : « Pendant quarante jours, il leur était apparu et les avait entretenus du Royaume de Dieu. » Quarante jours, y compris le dimanche de la Résurrection, nous conduisent au jeudi 14 mai 33. La descente du Saint-Esprit interviendra dix jours plus tard, le jour de la Pentecôte, le dimanche 24 mai, en calendrier julien.

Arthur Loth a brillamment démontré dans un chapitre de son gros ouvrage chronologique (pages 564 à 571) que la célébration de la Pentecôte toujours un dimanche, qui est de tradition immémoriale dans l’Eglise, ne peut se référer qu’à l’année 33 de notre ère, ce qui vient confirmer la date la mort du Christ, cette année-là.

En 28 de notre ère, le 14 Nisan tomba le lundi 29 mars. Par conséquent la fête de Pâque, 15 Nisan, eut lieu un mardi. Le lendemain de la Pâque, comme le cinquantième jour après Pâque, la Pentecôte, tombèrent un mercredi.

En 29 de notre ère, le 14 Nisan tomba le samedi 16 avril. Par conséquent, le surlendemain, et le jour de la Pentecôte, 50 jours après, survinrent un lundi.

En 30 de notre ère, le 14 Nisan se produisit le mercredi 5 avril. Par conséquent le surlendemain, et le 50e jour après, tombèrent un vendredi.

En 31 de notre ère, le 14 Nisan survint le lundi 26 mars. Par conséquent le surlendemain, et le jour de la Pentecôte, tombèrent un mercredi.

En 32 de notre ère, le 14 Nisan échut le lundi 14 avril. Par conséquent le surlendemain (16 Nisan) et le jour de la Pentecôte échurent un mercredi.

Enfin en 33 de notre ère, qui fut l’année réelle de la mort, de la Résurrection et de l’Ascension du Christ, le 14 Nisan, jour de la Parascève, survint le vendredi 3 avril. Par conséquent le surlendemain 16 Nisan, jour de la Résurrection bienheureuse, et le cinquantième jour après Pâques, jour de la Pentecôte, tombèrent un dimanche.

Cette circonstance confirme en tout point que l’année 33, année traditionnellement admise dans l’Eglise chrétienne, fut bien celle de la Passion, comme de la Résurrection, comme de l’Ascension au ciel de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Avant d’entreprendre le commentaire phrase par phrase de la synthèse, comme nous le faisons d’habitude, il importe de rendre compte d’une difficulté textuelle qui se présente. L’évangile de Luc, pas plus d’ailleurs que la finale de l’évangile de Marc, ne font de distinction entre les premières et les dernières apparitions du Christ. Le libellé de leur texte est un résumé elliptique qui, pris au pied de la lettre, laisserait croire que tout s’est déroulé le même jour, le jour de la Résurrection, et que l’Ascension du Sauveur aurait suivi presque immédiatement sa sortie du tombeau. Il n’en est rien cependant. Car les apparitions du Christ en Galilée sont fort bien attestées, tant par les évangiles de Matthieu et de Marc (dans sa partie authentique) que par l’évangile de saint Jean. Il n’existe pas de contradiction réelle entre l’évangile de Luc et les Actes des Apôtres, qui ont été écrits par le même Luc. Ce serait d’ailleurs invraisemblable en soi. Comment admettre une contradiction entre les deux parties d’une même œuvre, à quelques lignes d’intervalle, entre la fin du troisième évangile et le début des Actes ?

Non. Il faut prendre les textes évangéliques tels qu’ils sont, parfois fortement syncopés, ou ‘téléphonés’. Nous l’avons observé bien des fois tout au long de notre biographie de Jésus-Christ, et dans cette synthèse des textes canoniques. Les transitions sont parfois de pure forme littéraire, et il faut souvent supposer un laps de temps assez considérable entre deux affirmations contigües d’un même récit, sans que cela implique de contradiction.

Dans la synopse, comme dans la synthèse, nous supposons que la péricope de Luc (24, 36-43) se rapporte à la première apparition du Christ à ses apôtres, le jour de la Résurrection, tandis que la péricope qui suit immédiatement (Lc 24, 44-53) décrit la dernière apparition du Christ, toujours à ses apôtres, quarante jours après, le jour de l’Ascension. La transition : « Puis il leur dit : ‘Telles sont bien les paroles que je vous ai dites…’ » (Lc 24, 44) doit s’interpréter comme désignant deux discours séparés dans le temps. C’est Luc lui-même, dans les Actes, qui nous en donne la certitude. Ainsi réparties dans la synthèse, les deux péricopes, l’une dans l’épisode 236 et l’autre dans l’épisode final, 244, ici même, s’insèrent harmonieusement dans leur contexte et ne laissent transparaître aucun hiatus. Elles semblent amenées le plus naturellement du monde.

Après leur séjour en Galilée, où ils s’étaient rendus à la demande expresse de Jésus, les apôtres sont supposés revenus à Jérusalem. Personne ne nous signale ce retour. Mais il faut bien l’admettre, puisque les disciples se retrouvent dans la Ville Sainte, au moment de la dernière apparition de leur Maître. Ils se sont probablement réfugiés dans le Cénacle, la maison fraternelle qui les accueille, peut-être, nous l’avons vu, la demeure des parents de l’évangéliste Marc. C’est là-même que le Sauveur avait célébré la Sainte Cène. Et c’est là encore que le groupe apostolique, après s’être complété par l’adjonction de Matthias (cf. Ac 1, 15-26), se réunira le jour de la Pentecôte (cf. Ac 2, 1-13).

La finale de Marc, et le début des Actes, résument d’abord à grands traits l’événement de l’Ascension. « Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de Dieu. » (Mc 16, 19). « Après avoir donné ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis sous l’action de l’Esprit Saint, il fut enlevé. » (Ac 1, 2b). Les deux hagiographes emploient le même mot : « fut enlevé ». Mais ils sont probablement le même homme : saint Luc en personne.

« Qu’il avait choisis sous l’action de l’Esprit Saint » (Ac 1, 2). Les exégètes ont noté que saint Luc, dans les Actes, accorde une grande place à l’Esprit Saint, dont il souligne sans cesse l’intervention.

« Il s’assit à la droite de Dieu. »  (Mc 16, 19). Le fait ne sera pas constaté par les disciples, mais ces mots expriment leur foi. Le continuateur de Marc affirme simplement la réalisation de l’annonce faite par le Christ, lors de sa Passion, au tribunal de Caïphe : « Mais à l’avenir le Fils de l’homme aura son siège à la droite de la Puissance de Dieu. » (Lc 22, 69). Matthieu grec (26, 64) et Marc (14, 62) écrivaient mêmes : « Vous verrez le Fils de l’homme siéger à droite de la Puissance et venir sur (ou avec) les nuées du ciel », par allusion très nette à la prophétie de Daniel (7, 13).

S’asseoir à la droite d’un trône pour les juifs, c’était partager ce trône. S’asseoir à la droite de la Puissance, c’était partager cette Puissance. Et siéger à la droite de Dieu, c’était partager sa divinité.

S’accomplissait de même la prophétie du psaume 110 : « Oracle de Yahvé à mon Seigneur : Siège à ma droite ; tes ennemis, j’en ferai ton marchepied. » (Ps 110, 1).

Les Actes (1, 3-5) nous expliquent ensuite que Jésus-Christ s’était montré à ses disciples pendant quarante jours après sa Passion, qu’il leur avait donné de nombreuses preuves de sa Résurrection. Au cours d’un repas, probablement dans le Cénacle, il leur ordonne de ne pas quitter la Ville Sainte dans un premier temps, mais d’y attendre ce que le Père avait promis : l’Esprit Saint. « Jean, lui, a baptisé avec de l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours. » (Ac 1, 5). Façon elliptique de parler, car le Baptiste n’avait baptisé que d’un baptême de pénitence, tandis que le baptême dans l’Esprit Saint, qui équivaut à notre sacrement de confirmation, n’annule pas, mais suppose plutôt, le baptême trinitaire dans l’eau et dans l’Esprit : « A moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu. »  (Jn 3, 5).  

L’évangile de Luc (24, 44-50a) prend alors le relais. Il récapitule l’enseignement de Jésus-Christ, inculqué de longue date aux disciples, mais que ces derniers avaient bien du mal à comprendre. Il fallait que s’accomplît ce qui était écrit dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes : le Christ-Messie souffrirait et ressusciterait au bout de trois jours. En son nom, ses disciples prêcheraient le repentir et la rémission des péchés à toute la terre, en commençant par Jérusalem. Mais Jésus reprend sous une autre forme la consigne de demeurer à Jérusalem « jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en-Haut. » (Lc 24, 49).  

« Puis il les emmena jusque vers Béthanie » ajoute Luc (24, 50a). Il s’agit de la direction de Béthanie, en passant par le mont des Oliviers, et non de Béthanie même. Les Actes (1, 12) nous montreront plus loin les disciples revenir du mont des Oliviers, de la distance autorisée un jour de sabbat, soit 1 km environ. On peut localiser le site de l’Ascension, dont la tradition a gardé le souvenir, sur le sommet du mont des Oliviers, à quelque 815 mètres d’altitude, sur le chemin qui conduisait à Bethphagé et à Béthanie. La dénivellation par rapport au val du Cédron (680 m) n’est que de 135 m.

Les Actes (1, 6-8) nous montrent alors Jésus continuer sur place son enseignement. Ils en ont bien besoin, car ils sont loin encore d’avoir tout compris. « Est-ce en ce temps-ci que tu vas restaurer la royauté en Israël ?» (Ac 1, 6). Les pauvres ! Ils en sont encore à rêver d’une royauté temporelle. Ils ont gardé la nostalgie de la monarchie davidique. Et ils pensent bien que Jésus, maintenant ressuscité, va la rétablir à leur profit, puisque aussi bien Yahvé avait promis à David une royauté impérissable. « J’affermirai pour toujours ton trône royal. » (2 S 7, 13). Mais la royauté de Jésus, le fils de David, sera une royauté de nature spirituelle, et son triomphe total n’interviendra qu’à la fin des temps. « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité. Mais vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint. » (Ac 1, 7-8). C’est l’Esprit qui, par lui-même, étendra le règne du Christ. Mais vous : « Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre. » (Ac 1, 8).

« Quand il eut dit cela – d’après les Actes 1, 9 – ils le virent s’élever ; puis une nuée vint le soustraire à leur regard. » Tandis que d’après Luc (24, 50b-51) : « Levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. » 

Les Actes (1, 10-11) nous rapportent alors que deux hommes vêtus de blanc leur apparurent pour leur signifier de ne pas rester là à regarder le ciel. « Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus, viendra comme cela, de la même manière dont vous l’avez vu partir vers le ciel. » (Ac 1, 11).

Pour Luc (24, 52) « s’étant prosternés devant lui, ils revinrent à Jérusalem en grande joie. » 

Les Actes (1, 12-13a) précisent qu’ils s’en revinrent du mont des Oliviers. Ils se tinrent dans la chambre haute du Cénacle. Là ils devaient faire une retraite d’une dizaine de jours, en compagnie de quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus (cf. Ac 1, 14).

Luc lui (24, 53) veut qu’ils se rendaient continuellement dans le Temple pour louer Dieu. Ils allaient donc du Cénacle au Temple. De fait, dans la suite des Actes, nous verront souvent les apôtres fréquenter le Temple.

Mais le continuateur de Marc, quant à lui (16, 20), conclut en résumant à grande fresque la mission universelle des disciples. Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole, le kérygme, par les miracles, ou signes, qui l’accompagnaient.

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DOCUMENT TERMINE LE 12/8/2012