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Après cela, Jésus se rendit avec ses disciples au pays de Judée ; il y séjourna avec eux et il y baptisait. Jean aussi baptisait, à Aenon, près de Salim, car, les eaux y abondaient, et les gens venaient s’y faire baptiser. Jean n’avait pas encore été mis en prison. Or il s’éleva une discussion entre les disciples de Jean et un Juif à propos de purification. Ils allèrent donc trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise et tous viennent à lui ! » Jean répondit : « Nul ne peut rien s’attribuer, qui ne lui soit donné du ciel. Vous-mêmes, vous m’êtes témoins que j’ai dit : ‘ Je ne suis pas le Christ, moi, mais je suis envoyé devant lui. ‘ Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. Voilà ma joie ; elle est maintenant parfaite. Il faut que lui grandisse et que moi, je décroisse. Celui qui vient d’en-haut est au-dessus de tous ; celui qui est de la terre est terrestre et parle en terrestre. Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu, mais son témoignage, nul ne le reçoit. Qui reçoit son témoignage certifie que Dieu est véridique. Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, qui lui donne l’Esprit sans mesure. Le Père aime le Fils ; il a tout remis en sa main. Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie ; la colère de Dieu pèse sur lui. » |
Très intéressantes indications géographiques sur l’endroit des ministères respectifs de Jésus et du Baptiste. Mais notations de temps, très vagues. Nous sommes après la Pâque 30, et Jésus va exercer un long ministère en Judée, concomitamment avec celui du Baptiste qui n’a pas encore été mis en prison. Mais nous ignorons sa durée.
Jésus exerce en Judée, c’est-à-dire sur la rive droite (occidentale) du Jourdain, au sud de la Samarie, et non pas à Béthabara, rive gauche (orientale) et en Pérée, où il a lui-même été baptisé.
Jean-Baptiste au contraire s’est retiré plus au nord, exactement en Décapole, à Aenon près de Salim, et comme le Christ sur la rive droite (occidentale) du Jourdain. Là, il est à l’abri d’Hérode. La Décapole dépend directement de l’administration romaine. Aenon signifie ‘Les sources’ en hébreu. Les eaux y sont hyper abondantes, dans cette vallée fluviale. Aenon est située à 12 km au sud de Scythopolis, autrement dite Bethshean, et non pas du tout en Samarie comme on l’indique parfois par erreur. C’est une plaine verdoyante. Certes le Baptiste trouve-t-il là un pays théoriquement païen. Mais il faut savoir qu’une forte colonie juive réside à Scythopolis. Et l’on se trouve sur la route empruntée par de nombreux galiléens qui descendent vers Jéricho.
Jésus exerçait donc quelque 50 km au sud du Baptiste. Il ne risquait pas de lui faire directement concurrence.
Le texte est formel : « Et il y baptisait. » (Jn 3, 22). Le texte souligne qu’il y séjournait avec ses disciples.
Il n’aura pas attendu longtemps après son long entretien de nuit avec Nicodème pour mettre en pratique sa théorie du baptême. Aussitôt dit, aussitôt fait. Plus loin dans le récit, nous apprendrons que ce n’était pas vraiment Jésus qui baptisait, mais ses disciples (cf. Jn 4, 2). Cela se comprend. Il aura formé lui-même ses disciples immédiats à la pratique de son nouveau baptême, et il les faisait exercer en son nom. Il lui était difficile, en effet, étant lui-même l’une des Personnes de la Sainte Trinité, de baptiser au nom de la Trinité. C’est pourquoi, il faisait baptiser. Mais ce baptême, sauf erreur, était bien le baptême chrétien et trinitaire. En effet les Personnes de la Trinité avaient été formellement nommées, donc identifiées et révélées. Rien n’empêchait qu’on pût baptiser en leur nom. Le nouveau baptême avait pour objet, et pour conséquence, de créer des disciples de Jésus-Christ, et non pas du Baptiste, comme on l’apprendra un peu plus tard dans la controverse. Les baptisés étaient donc de nouveaux chrétiens. D’autre part nous savons, théologiquement parlant, que les douze apôtres furent ordonnés prêtres au moment de l’Institution de la Sainte Cène, avant la Passion. Il fallait bien qu’ils fussent validement, et trinitairement, baptisés pour recevoir le sacrement de l’Ordre, car le baptême est la porte, et la condition, de tous les autres sacrements. Certes le Christ eût-il pu faire une exception pour ses propres apôtres. Mais on n’en voit guère la nécessité. La tradition nous enseigne que tous les sacrements ont été institués par Jésus-Christ en personne, et non pas par ses apôtres. A commencer donc par le baptême trinitaire, porte de l’Eglise et fondement de la vie sacramentelle.
Mais ce baptême trinitaire n’était pas encore promulgué officiellement. Il ne le sera qu’après la Résurrection, quand le Christ commandera à ses apôtres : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » (Mt 28, 19). Il n’avait été manifesté confidentiellement qu’à Nicodème, et aux disciples proches. Il était réservé à une élite. Il n’était même pas annoncé publiquement aux foules ; la preuve, c’est qu’il ne sera plus jamais question de baptême dans l’évangile, jusqu’à ce jour ultime, dont nous venons de parler. La Loi nouvelle, supplantant la Loi ancienne du judaïsme, n’était pas encore promulguée. Elle ne le sera qu’au jour de la Pentecôte. Jusque-là, subsistait l’économie provisoire instaurée par le Baptiste, ou même la seule observance mosaïque. Le Christ, dans son enseignement, se contentait d’un accueil sympathique à ses propos, et d’une ouverture à l’espérance contenue dans les Béatitudes. L’Esprit Saint, comme le dira saint Jean n’était pas encore répandu sur le peuple des croyants. « Il n’y avait pas encore d’Esprit, pare ce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » (Jn 7, 39). Autrement dit pour nous, théologiquement parlant, le baptême trinitaire était d’ores et déjà possible, les noms des Personnes divines ayant été révélés, mais pas encore la confirmation, ou l’effusion de l’Esprit.
« Jean n’avait pas encore été mis en prison » (Jn 3, 24) note formellement l’évangéliste. Nous sommes en l’an 30, avant le début du ministère galiléen proprement dit. Jean ne sera vraisemblablement arrêté que début 31.
« Or il s’éleva alors une discussion entre les disciples de Jean et un juif à propos de purification. » (Jn 3, 25). Le problème de la validité respective des deux baptêmes ne pouvait manquer de se poser. Purification, dans ce contexte, ne peut vouloir dire que baptême. Jean donnait une purification provisoire, un baptême de pénitence, ou de « repentir pour la rémission des péchés ». (Mc 1, 4). Il préparait à l’avènement du Royaume de Dieu, dans son rôle de nouvel Elie. Jésus au contraire baptisait dans l’Esprit Saint. « C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. » (Jn 1, 33). Et son baptême, comme il l’expliquait à Nicodème, faisait entrer définitivement dans le Royaume de Dieu. « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. » (Jn 3, 5). Et cette promesse n’était pas différée jusqu’après son départ de ce monde. Elle était immédiatement réalisable pour ceux qui le désiraient.
Survient alors la magnifique péroraison de Jean-Baptiste mettant fin à toutes ces discussions. Il suffit de la relire et de la méditer. « Le Père aime le Fils et il a tout remis en sa main. Qui croit au Fils a la vie éternelle. » (Jn 3, 35-36). Le Fils est libre, et pleinement maître de ses dons. Mais il importe souverainement, pour l’heure, de croire en lui pour posséder la vie éternelle.