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229. Garde du tombeau. Le samedi, jour de la Pâque juive, d’après Jean.

Matthieu 27, 62-66.

Le lendemain, c’est-à-dire après la Parascève, les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent chez Pilate et lui dirent : « Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit, de son vivant : ‘Après trois jours je ressusciterai !’ Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour, pour éviter que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité des morts !’ Cette imposture serait pire que la première. » Pilate leur répondit : « Voici une garde ; allez et prenez vos sûretés comme vous l’entendez. » Ils allèrent donc et s’assurèrent du sépulcre, en scellant la pierre et en postant une garde.

Episode 229. Commentaire.

L’anecdote, importante, nous est rapportée par le seul Matthieu grec. C’est toujours la Théorie des deux sources qui rend compte de cette intercalation. Comme Luc et Jean, Matthieu grec suit ordinairement la séquence de Marc pour le compte-rendu des événements de la Passion. Mais, comme ses confrères, il n’hésite pas à l’interrompre pour y placer un récit qu’il tient de première main. Il fera de même un peu plus loin pour insérer la suite de cette histoire de garde du tombeau (notre futur épisode 233 : Supercherie des chefs juifs).

Ayant vécu en Palestine, bilingue, à la fois helléniste et aramaïsant, Philippe a bien connu les premiers temps de l’Eglise chrétienne, car il fut l’un des sept premiers diacres (cf. Ac 6, 5). Il a fréquenté longuement les apôtres et les témoins de la vie du Christ. Il a lui-même prêché l’évangile dans toute la Judée et la Samarie (cf. Ac 8, 5.26.40). Etabli à Césarée Maritime, où il vivait avec ses quatre filles (cf. Ac 8, 40 ; 21, 8-9), il y a rencontré Paul et Luc son compagnon dans les années 57-59. Sachant que Luc préparait une vie de Jésus, ainsi que l’histoire des premiers temps de l’Eglise, il a fait tous ses efforts pour le documenter, en particulier sur la création des diacres, et sur le martyre d’Etienne qui a suivi. On peut dire qu’il était un spécialiste de l’évangile. C’est ainsi d’ailleurs que les Actes le définissent : « Philippe l’évangéliste. » (Ac 21, 8).

Ayant reçu, sans doute des mains de Luc, un exemplaire de l’évangile de Marc, issu de la catéchèse de l’apôtre Pierre, il a décidé, après le départ pour Rome de Paul et de Luc (vers 59), d’écrire avec son génie propre un évangile à l’intention des hellénistes de Palestine dans lequel, tout en sauvegardant le schéma de Marc, il insèrerait les logia du Seigneur laissés par l’apôtre Matthieu, qu’il entendait avant tout conserver. Il aura publié son ouvrage vers les années 62-63, en même temps que Luc publiait le sien, vers la fin de la première captivité romaine de Paul.

« Le lendemain, c’est-à-dire après la Parascève » (Mt 27, 62). Curieuse expression de Matthieu grec. Comme si la Parascève était une fête en soi ! Comme si la Pâque et le sabbat cumulés n’en étaient pas une ! C’est d’autant plus paradoxal que les grands prêtres, accompagnés des Pharisiens, vont se rendre en corps ce jour-là chez Pilate, au risque de contracter des souillures légales. Mais au fait, on est le samedi matin. Donc les grands-prêtres et les Pharisiens susdits ont déjà consommé l’agneau pascal depuis la veille au soir. Ils n’étaient plus entrés dans le palais du gouverneur depuis le jeudi, aux environs de midi, quand ils obtinrent de Pilate, par un véritable chantage, la condamnation à mort de Jésus (notre épisode 221).

Nous sommes donc le samedi 4 avril 33, 15 de Nisan et jour de la Pâque juive selon l’évangéliste Jean, qui suit le calendrier du Temple et des juifs de Jérusalem, contrairement aux synoptiques qui ont adopté un autre calendrier. Les Galiléens, et Jésus lui-même, ont célébré le repas pascal dès le Mardi Saint au soir, premier jour des Azymes selon eux (cf. Mt 26, 2.17 ; Mc 14, 1.12 ; Lc 22, 7 : notre épisode 204).   

« Ce sabbat était un grand jour » nous avait dit Jean (19, 31 : cité ici selon l’original grec). Car c’était un double sabbat, un double repos, celui de la Pâque (cf. Lv 23, 7) et celui, encore plus sacré, du septième jour (cf. Ex 20, 10). Contrairement aux saintes femmes qui ne firent rien ce jour-là (cf. Lc 23, 56 : notre épisode précédent), n’entreprirent aucune démarche, les chefs juifs n’hésitent pas à se rendre en cortège chez Pilate pour lui exposer une nouvelle requête, apparemment urgente. Sans doute la distance du palais de Caïphe au palais de Pilate ne dépassait-elle pas ce qui était permis le jour du sabbat : peut-être 300 mètres. Ils abusent manifestement de la faiblesse de Pilate, qui a déjà une fois capitulé devant eux.

Selon toute apparence ce sont les Pharisiens qui ont alerté les grands prêtres, car on les voit en leur compagnie, et non pas comme ailleurs les anciens (cf. Mt 27, 1.12.20). Vigilants, et jaloux, ils se souviennent fort bien que le Christ avait dit de son vivant : « Après trois jours je ressusciterai ! » (Mt 27, 63). Curieusement, Matthieu grec reprend ici l’expression de Marc qui dit : « Après trois jours », tandis que les deux autres synoptiques (dont Matthieu lui-même) corrigent habituellement en disant : « Le troisième jour ».

Le Christ avait prophétisé fort clairement sa propre résurrection à plusieurs reprises. Voir les trois annonces de la Passion dans le déroulement de la vie publique : nos épisodes 89, 94 et 179. Sans doute ces annonces étaient-elles faites avant tout aux disciples. Mais elles avaient dû parvenir aux oreilles des Pharisiens, qui étaient bien renseignés, et qui avaient enquêté plusieurs fois sur Jésus.

Les grands prêtres et les Pharisiens demandent donc une garde pour empêcher Jésus-Christ de ressusciter.

« Pilate leur répondit : ‘Vous avez une garde’. » (Mt 27, 65). Traduction littérale qui laisserait croire au premier abord que les juifs disposaient eux-mêmes d’une garde, et qu’ils n’avaient eu qu’à s’en servir. La Bible de Jérusalem (que reproduit la synthèse) traduit : ‘Voici une garde’. Autrement dit Pilate met à leur disposition des soldats romains pour garder le tombeau. Il semble bien que ce soit la bonne interprétation du texte. En effet, la garde du tombeau était sous la responsabilité de l’autorité romaine comme l’indique bien la demande insistante des juifs : « Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour. » (Mt 27, 64). Et d’autre part la suite du récit, dans saint Matthieu (notre futur épisode 233 : Supercherie des chefs juifs), montrera bien qu’il s’agit de soldats romains, mis à la disposition des grands prêtres. Ces derniers leur donneront une forte somme d’argent pour accréditer la thèse de l’enlèvement du Christ, et se chargeront d’amadouer le gouverneur pour leur éviter tout ennui.

Il ne s’agit donc pas de gardes du Temple, à la solde des grands prêtres.

Avec l’autorisation de Pilate, les chefs juifs s’en vont donc apposer des scellés sur le sépulcre, et y laissent la garde en faction.

Le Christ, quant à lui, a parfaitement respecté le repos prescrit, en demeurant immobile dans le tombeau. Mais la religion ancienne se termine. Dès le lendemain matin s’inaugurera une ère nouvelle.

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