Retour au plan : PLAN
Le soir venu, il arrive avec les Douze. L’heure venue, il se mit à table ; il se trouvait à table avec les douze apôtres et leur dit : « J’ai désiré avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous le dis, je ne la mangerai jamais plus jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu. » Prenant alors une coupe, il rendit grâces et dit : « Prenez ceci et partagez entre vous, car je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu. » Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait inspiré à Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer, sachant que le Père avait tout remis en ses mains et qu’il était venu de Dieu et retournait à Dieu, il se lève de table, quitte son manteau, et prenant un linge, il s’en ceignit. Puis il verse de l’eau dans un bassin et il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. Il vint donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « Toi, Seigneur, me laver les pieds ! » Jésus lui répondit : « Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant ; tu comprendras plus tard. » -- « Tu ne me laveras pas les pieds, lui dit Pierre. Non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. » -- « Alors, Seigneur, lui dit Simon-Pierre, pas les pieds seulement, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Celui qui a pris un bain n’a pas besoin de se laver ; il est entièrement pur. Vous aussi, vous êtes purs ; pas tous cependant. Il savait en effet qui allait le livrer ; voilà pourquoi il dit : « Vous n’êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, qu’il eut repris ses vêtements et se fut remis à table, il leur dit : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l’exemple, pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous. « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’esclave n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’envoie. « Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites. Je ne parle pas pour vous tous ; je connais ceux que j’ai choisis, mais il faut que l’Ecriture s’accomplisse : Celui qui mange mon pain a levé contre moi son talon. « Je vous le dis dès maintenant, avant que la chose n’arrive, pour qu’une fois celle-ci arrivée, vous croyiez que Je suis. En vérité, en vérité, je vous le dis, qui reçoit celui que j’envoie me reçoit et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. » Sur ces paroles, tandis qu’ils étaient à table et qu’ils mangeaient, Jésus fut troublé en son esprit et déclara : « En vérité, je vous le dis, l’un de vous me livrera, un qui mange avec moi. » Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait. Ils devinrent vivement attristés et se mirent chacun à lui demander, l’un après l’autre : « Serait-ce moi, Seigneur ? » Il leur répondit : « C’est l’un des Douze, quelqu’un qui plonge avec moi la main dans le même plat ; voilà celui qui va me livrer. Cependant voici que la main de celui qui me livre est avec moi sur la table. Oui, le Fils de l’homme s’en va à son sort selon qu’il est écrit de lui, selon ce qui a été arrêté ; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître ! » Ils se mirent chacun à se demander les uns aux autres quel était donc celui d’entre eux qui allait faire cela. A son tour, Judas, celui qui allait le livrer, lui demanda : « Serait-ce moi, Rabbi ? » -- « Tu l’as dit », répondit Jésus. Un de ses disciples, celui que Jésus aimait, se trouvait à table tout contre Jésus ; Simon-Pierre lui fait signe et lui dit : « Demande de qui il parle. » Celui-ci, se penchant alors vers la poitrine de Jésus, lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » -- « C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper », répond Jésus. Et trempant la bouchée, il la prend et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote. A ce moment-là, après la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu as à faire, fais-le vite. » Mais cette parole, aucun des convives ne comprit pourquoi il la lui disait. Comme Judas tenait la bourse, plusieurs pensaient que Jésus voulait lui dire : « Achète ce qu’il faut pour la fête », ou qu’il lui commandait de donner quelque chose aux pauvres. Aussitôt la bouchée prise, Judas sortit. Il faisait nuit. Quand il fut sorti, Jésus dit : « Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même et il le glorifiera bientôt. » Il s’éleva aussi entre eux une contestation : lequel d’entre eux pouvait être tenu pour le plus grand ? Il leur dit : « Les rois des nations leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent l’autorité sur eux se font appeler Bienfaiteurs. Pour vous, il n’en va pas ainsi ; au contraire que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien ! moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert ! « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. » Or, tandis qu’ils mangeaient, le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, rendant grâces, il le rompit et le donna à ses disciples en disant : « Prenez et mangez, ceci est mon corps qui va être donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. » Puis, prenant une coupe, il fit de même après le repas, il rendit grâces et la leur donna, ils en burent tous. Et il leur dit : « Buvez-en tous, car cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, le sang de l’alliance qui va être répandu, versé pour vous, pour une multitude en rémission des péchés. Toutes les fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi. » « En vérité je vous le dis, je ne boirai plus, désormais, de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de Dieu mon Père. « Mes petits enfants, je n’en ai plus pour longtemps à être avec vous. Vous me chercherez ... et comme je l’ai dit aux Juifs, je vous le dis à vous aussi, maintenant : où je vais, vous, vous ne pouvez venir. Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Oui, comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres. » Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard. » Pierre lui dit : « Pourquoi ne puis-je pas te suivre dès maintenant ? » « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » -- « Seigneur, lui dit-il, je suis prêt à aller avec toi en prison et à la mort. Je donnerai ma vie pour toi. » -- « Tu donneras ta vie pour moi ? » répond Jésus. Mais il reprit : « En vérité, en vérité, je te le dis, Pierre, le coq ne chantera pas aujourd’hui que tu ne m’aies renié trois fois, que par trois fois tu n’aies nié me connaître. » Puis il leur dit : « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni chaussures, avez-vous manqué de quelque chose ? » -- « De rien », répondirent-ils. Et il leur dit : « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive. Car, je vous le dis, il faut que s’accomplisse en moi cette parole de l’Ecriture : Il a été mis au rang des scélérats. Aussi bien ce qui me concerne touche à son terme. » -- « Seigneur, dirent-ils, il y a justement ici deux glaives. » Il leur répondit : « C’est assez ! » « Que votre cœur cesse de se troubler ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père, sinon, je vous l’aurais dit ; je vais vous préparer une place. Et quand je serai allé vous préparer une place, je reviendrai vous prendre avec moi, afin que, là où je suis, vous soyez, vous aussi. Et du lieu où je vais vous connaissez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment en connaîtrions-nous le chemin ? » Jésus lui dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne va au Père que par moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez et vous l’avez vu. » Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. » -- « Voilà si longtemps que je suis avec vous, lui dit Jésus, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même : Le Père qui demeure en moi accomplit les œuvres. Croyez-m’en ! Je suis dans le Père et le Père est en moi. Du moins, croyez-le à cause des œuvres. En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père. Et tout ce que vous demanderez en mon nom je le ferai, pour que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour être avec vous à jamais, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit ni le connaît. Vous, vous le connaissez parce qu’il demeure en vous et qu’il est en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins. Je reviendrai vers vous. Sous peu le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez. Ce jour-là, vous comprendrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous. Celui qui a mes commandements et qui les garde, voilà celui qui m’aime, et celui qui m’aime sera aussi aimé de mon Père, et je l’aimerai et me manifesterai à lui. » Judas -- pas l’Iscariote -- lui dit : « Seigneur, comment se peut-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? » Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Et ma parole n’est pas mienne ; c’est la parole de celui qui m’a envoyé. Je vous ai dit ces choses, alors que je demeurai avec vous. Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. « Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre. Vous avez entendu ; je vous ai dit : Je m’en vais et reviendrai vers vous. Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père, parce que le Père est plus grand que moi. Ainsi je vous l’ai dit avant que cela n’arrive, pour qu’à l’heure où cela arrivera vous croyiez. Je ne m’entretiendrai plus avec vous, car le Prince de ce monde vient. Contre moi il ne peut rien ; mais il faut que le monde sache que j’aime le Père et que j’agis comme le Père me l’a ordonné. « Levez-vous ! Partons d’ici ! » |
Pour nous, énorme chapitre. Le second en volume de toute la synthèse. Pas moins de 10 versets de Matthieu grec, 9 versets de Marc, 25 versets de Luc, 68 versets de Jean, auxquels nous joignons exceptionnellement deux versets et demi de la première aux Corinthiens, sont fusionnés, ou tout au moins combinés ensemble dans la synthèse, où ils forment un tout cohérent. Malgré les points de vue opposés – on l’a vu – de Jean et des synoptiques sur la nature de ce repas, les diverses relations – cinq ici – s’harmonisent entre elles sans difficulté majeure.
Nous nous permettons quelques remarques préalables. Cette synthèse regroupe en principe tous les textes canoniques traitant de la vie de Jésus. Nous pouvons donc y joindre – outre les évangiles – de brefs extraits, soit des Actes des Apôtres, soit des épîtres de Paul. C’est ici le cas, puisque le récit de l’institution de l’eucharistie se lit aussi dans le onzième chapitre de la première aux Corinthiens, alors que Jean lui-même, dans son évangile, l’omet. Nous aurons donc quatre récits de l’Institution, mêlés ensemble, trois tirés des synoptiques, et l’un tiré de saint Paul.
La séquence de Luc, dans cet épisode, sera légèrement modifiée. On peut le vérifier dans l’en-tête de la synthèse, ci-dessus. Les versets de Luc 22, 19-20 sont transférés après les versets 22, 21-30, ceci afin de les mettre en parallèle avec les textes de Marc et de Matthieu grec, qui nous assurent que l’eucharistie fut instituée seulement après l’annonce de la trahison de Judas (et probablement aussi après sa sortie signalée par le seul Jean : cf. Jn 13, 30). C’est le principe directeur de notre synopse qui nous impose ce choix : en cas de divergence entre les évangiles sur la suite des événements, priorité est donné à l’ordre de Marc. Cette solution, inspirée par la Théorie des deux sources, se trouve ici tout à fait conforme à la vraisemblance historique. C’est bien ainsi que les choses se sont effectivement passées. En effet Matthieu grec, de nouveau organe témoin, confirme en tout point la séquence de Marc, qui est bien la séquence primitive. Luc l’a modifiée, sans doute pour un simple motif de convenance littéraire. Cela lui arrive plus d’une fois. L’apôtre Jean et l’apôtre Paul, en cette occurrence, ne peuvent nous servir d’arbitres : car l’un (Jean) ne parle pas de l’eucharistie, et l’autre (Paul) ne dit rien de la trahison de Judas, ni de sa sortie. Nous suivons donc Marc comme à l’accoutumé.
Il résulte clairement de notre synopse-synthèse, et de cette discussion, que Judas n’a pas participé à l’institution de l’eucharistie, il n’a pas été ordonné prêtre, comme les autres apôtres, il n’a pas communié au corps et au sang du Christ. Il était alors dans sa « nuit » (Jn 13, 30), en train de filer vers le palais des grands prêtres tout proche. Tant mieux pour lui, en un sens !
On constate aussi que dans la synopse, comme dans la synthèse, nous reportons les chapitres 15 à 17 de Jean après le récit de la Sainte Cène, contrairement à ce qui est communément admis. En effet, une sortie de la salle du banquet est mentionnée par Jean dès son verset 14, 31, fin du chapitre 14 : « Levez-vous ! Partons d’ici ! ». Tandis que le repas semble continuer, avec les confidences de Jésus sur le vrai cep, la haine du monde, la venue du Paraclet, l’annonce d’un prompt retour et enfin la prière dite sacerdotale. On aurait là l’indice, prononcent la plupart des exégètes, que l’évangile de Jean aurait été remanié, qu’on aurait ajouté des compléments sans même modifier la teneur du texte primitif, sans souci d’harmoniser l’ensemble obtenu. C’est bien peu vraisemblable.
L’harmonisation eût pourtant été facile ! Il eût suffi que Jean lui-même, ou son continuateur, eussent inséré l’ensemble des chapitres 15 à 17 au milieu du verset 14, 31 et laissé l’exclamation : « Levez-vous ! Partons d’ici ! » à la fin proprement dite de la sainte Cène pour obtenir un tout très cohérent.
Si Jean ne l’a pas fait, c’est tout simplement pour une raison historique : les choses se sont passées telles qu’elles sont écrites. Jésus est bel et bien sorti, avec ses apôtres restants, au milieu de son propos. D’ailleurs, Judas risquait de surgir à l’instant même avec les sbires du Temple, et de procéder sur place à l’arrestation.
Non. Jésus et les onze apôtres sont sortis tranquillement en direction de Gethsémani, tout en continuant de deviser entre eux. On disposait facilement de quelque flambeau, et la lune presque pleine de Nisan illuminait le paysage. On ne parviendra à Gethsémani que vers minuit.
« Le soir venu, il arrive avec les Douze. » (Mc 14, 17). Nous sommes au soir du mardi 31 mars 33, troisième férie de la semaine pour les juifs. Mais à partir de la tombée de la nuit, nous serons dans la quatrième férie, toujours pour les juifs. Jésus arrive de Béthanie avec ses douze disciples, y compris Judas. Pierre et Jean, ayant achevé les préparatifs sont venus au-devant d’eux. Les saintes femmes sont déjà en cuisine. Les pains levés et les ferments ayant été soigneusement éliminés du logis depuis midi, on ne commençait à manger, avec les pains azymes, qu’à partir du 15 Nisan commençant, donc avec la nuit, après cinq heures et demie.
La synopse et la synthèse nous imposent l’ordre dans lequel les actions survinrent, et les paroles furent prononcées, pendant ce repas mémorable. Nous suivrons donc la synthèse ci-dessus, et nous la commenterons pas à pas. Les cinq récits s’imbriquent l’un dans l’autre avec la plus grande facilité, et j’oserais presque dire avec une sorte de nécessité. Compte tenu, toutefois, de l’inversion pratiquée dans le texte de Luc, et que nous avons justifiée plus haut.
« Il se trouvait à table avec les Douze. » (Mt 26, 20). Il faut y insister avec force, dès le principe : Jésus se trouvait à table avec les Douze seuls. Les trois synoptiques sont unanimes pour l’affirmer. Saint Jean lui-même ne nommera jamais une autre personne extérieure à ce groupe. La tradition l’a toujours entendu ainsi. Il le fallait pour que l’Eglise pût être dite apostolique. Seuls les apôtres ont hérité de la fonction sacerdotale du Christ, qui leur fut conférée au cours de ce repas. Un quatorzième convive, homme ou femme, est donc totalement exclu. L’admettre serait directement contraire à la foi catholique.
Le jeune Marc lui-même, porteur de la cruche, pas plus que son père, qui étaient pourtant les hôtes des apôtres et de Jésus, n’y ont point été admis. Par le fait, cette Pâque ne les concernait pas, puisqu’ils devaient la fêter trois jours plus tard, dans la même salle prévue à cet effet. D’ailleurs le Maître l’avait bien précisé, dès le matin même : « Où est ma salle, où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? » (Mc 14, 14).
D’après Luc (22, 14-18), Jésus se met à table avec ses douze apôtres (et eux seuls). Il commence par leur dire qu’il a désiré d’un grand désir partager cette Pâque avec eux, car il ne la mangera plus « jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu. » (Lc 22, 16). Il prophétise ainsi que s’achève la dernière année de son ministère public. Puis il leur distribua une coupe préalable, qui n’était pas encore l’eucharistie. « Je ne boirai plus désormais du produit de la vigne, jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu. » (Lc 22, 18). Il annonçait de cette manière qu’il entamait son dernier repas sur cette terre. C’était sans doute l’une des deux coupes du premier service, prévues par le rituel juif.
On passe à l’évangile de Jean (13, 2-20). Le repas était à peine commencé. Les disciples n’étaient pas encore définitivement installés, que Jésus se levait de table, quittait son manteau et se ceignait d’un linge. Sans doute le service du repas n’était-il pas encore prêt.
Jésus se met à laver les pieds de ses douze disciples, et à les essuyer avec le linge. Il accomplit, là, le cérémonial de l’esclave, chargé de laver les pieds des hôtes illustres, au terme d’une longue marche, avant qu’ils ne se mettent à table. Cela se fait d’ordinaire dans le vestibule. Mais la salle est vaste, et permet ce rituel. Il importait que les Douze fussent vraiment purs, physiquement comme moralement, pour partager ce repas suprême auquel Jésus les conviait. Il semble que tout le monde, bien qu’un peu étonné, se soit laissé faire, y compris Judas. Mais parvenu au chef des apôtres, Pierre, qu’il traite en dernier, Jésus se heurte à un refus obstiné. « Tu ne me laveras pas les pieds, lui dit Pierre. Non, jamais ! » (Jn 13, 8). Pierre eût peut-être accepté de laver les pieds de Jésus. Mais probablement pas ceux de ses collègues et amis. Il a gardé sa fierté, son quant à soi. Son caractère n’est pas encore brisé. Il ne le sera que par l’épreuve de la Passion. Il n’est pas encore tout à fait stabilisé dans l’état de grâce. Jésus le met en demeure : « Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. » (Id.). Pierre sera-t-il exclu du groupe apostolique ? Sera-t-il exclu du salut promis ? Comme un éclair, cette pensée a dû un instant effleurer son esprit. Mais aussitôt il se ravise : « Pas les pieds seulement, mais aussi les mains et la tête ! » (Jn 13, 9).
C’est un exemple que Jésus a voulu leur laisser. Dans la communauté qu’il va fonder, les plus grands devront se comporter comme les serviteurs des autres. C’est en même temps une petite révolution qu’il apporte dans les rapports sociaux. Ce n’est pas la première. Désormais les relations humaines se fonderont sur l’esprit de service, ou d’entraide, et non plus sur l’esprit de domination ou de confrontation. La charité fraternelle prendra la place de la rivalité. La poignée de main remplacera le coude contre coude.
Mais Jésus, en cet instant, annonce ouvertement la trahison dont il est l’objet, en citant le psaume : « Celui qui mange mon pain a levé contre moi le talon. » (Jn 13, 18 d’après Ps 41, 10). Mon compagnon s’est fait plus grand que moi, en se haussant du talon. Il a prétendu me dominer, ou peut-être m’éliminer. Jésus le fait pour montrer sa prescience divine, afin que ses apôtres fidèles n’en soient pas, un peu plus tard, scandalisés. Il redit ici son « Je Suis », sa définition divine : « Je vous le dis dès maintenant, avant que la chose n’arrive, pour qu’une fois celle-ci arrivée, vous croyiez que Je Suis. » (Jn 13, 19). Jean reprend alors une pensée qu’on trouve ailleurs dans Marc (9, 37), qui a été imitée par Luc (9, 48), et que Matthieu grec a placée dans son discours apostolique (10, 40) : « Qui reçoit celui que j’envoie me reçoit et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. » (Jn 13, 20).
Sur ces entrefaites, intervient l’annonce explicite de la trahison de Judas. Dans la synthèse, c’est un melting-pot des quatre évangiles qui nous la rapporte. « C’est l’un des Douze, qui plonge avec moi la main dans le même plat. » (Mc 14, 20). Jean est tout aussi précis : « L’un de vous me livrera. » (Jn 13, 21). Il ne peut s’agir que de l’un des commensaux. Et les commensaux ne sont que douze, en sus de Jésus. Tous de s’étonner à tour de rôle et d’interroger le Maître, y compris Judas, qui ne veut pas se dénoncer par son silence. Drôle d’ambiance !
Jean, seul, intercale ici une anecdote, qu’on pourrait dire plaisante, si les circonstances n’étaient si tragiques. Le disciple que Jésus aimait – Jean lui-même – se trouvait tout contre Jésus, appuyé sur son coude gauche. Il n’a qu’à se renverser pour se trouver sur la poitrine du Maître. Pierre, de l’autre côté, lui fait des signes désespérés : « Demande de qui il parle. » (Jn 13, 24). C’est celui à qui Jésus donne la bouchée. Aussitôt Satan entre en lui, nous dit Jean. Il était déjà entré en lui, d’après Luc (22, 3), au moment d’aller conférer avec les grands prêtres. Et Jésus de lui dire : « Ce qui tu as à faire fais-le vite. » (Jn 13, 27). Aucun convive, sauf Jean, ne comprit le sens de cette consigne. « Judas sortit. Il faisait nuit » écrit Jean (13, 30), dans un raccourci digne d’un romancier.
C’était en même temps la tombée de la nuit, qui marquait le début proprement dit du repas.
En conclusion de l’incident, Jésus signifie qu’il est maintenant glorifié, et que le Père est glorifié en lui. C’est que le drame de la Passion est déjà enclenché, qui glorifiera le Fils, et qui glorifiera Dieu.
Curieusement, s’élève à ce moment une contestation parmi les apôtres, juste avant l’institution de l’eucharistie. Elle nous est connue par le seul Luc (22, 24-30). Qui parmi nous est le plus grand ? Mais la contestation sera aussitôt contenue par la leçon du Maître : « Que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. » (Lc 22, 26). Simple rappel de l’exemple qui vient d’être donné par Jésus lui-même, quand il a lavé les pieds de ses disciples. Mais aussi rappel de l’enseignement donné à Jéricho, en réponse à la demande des fils de Zébédée (cf. Mt 20, 25-27 ; Mc 10, 42-44 : notre épisode 180).
Certes, Jésus en cet instant ne morigène pas les onze disciples qui lui sont restés fidèles. Bien au contraire il leur promet une très haute destinée. « Vous siègerez sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. » (Lc 22, 30). Sentence assez erratique, que Matthieu grec a placée ailleurs (cf. Mt 19, 28), qu’on ne lit pas dans Marc, et qui semble appartenir de ce fait à la source Q.
Sur cette promesse, intervient l’institution de la très sainte eucharistie. Elle nous est contée en termes très simples par les trois synoptiques, et par l’apôtre Paul. Les mots sont universellement connus, et repris tous les jours dans toutes les langues. A lire la synthèse, il semble qu’elle ne soit qu’un bref intermède, inséré dans un vaste ensemble. Cependant, c’est bien elle qui donne le sens du repas. Tout s’ordonne autour d’elle.
« Prenez et mangez, ceci est mon corps qui va être donné pour vous. » La formule se réfère indissolublement au sacrifice de la croix, qui va s’accomplir, et dont elle est une préfiguration. L’eucharistie est un repas qui se transforme en offrande de soi. Si c’était un particulier qui parlait ainsi, on dirait qu’il emploie des symboles aimables. Puisque c’est un Dieu qui s’exprime, ses mots doivent être pris au pied de la lettre. « Faites ceci en mémoire de moi. » (Lc 22, 19).
De même après le repas, avec la coupe. Le vin figure par avance son sang. Il devient son sang, son sang véritable, quand Jésus l’annonce : « Cette coupe est la Nouvelle Alliance en mon sang. » (Lc 22, 20 ; 1 Co 11, 25).Une alliance, entre Dieu et les hommes, ne peut être scellée que dans le sang. Et de nouveau : « Faites-le en mémoire de moi. » (1 Co 11, 25). La consigne de faire mémoire fut reprise, semble-t-il, aussi bien pour le pain que pour le vin. La séparation du pain et du vin, du corps et du sang, symbolise l’immolation imminente. C’est donc tout à fait consciemment que Jésus substitue à l’agneau pascal, d’abord immolé puis consommé, son propre corps et son propre sang. Comme il l’affirme, c’est bien l’Ancienne Alliance qui fait place, ici, à la Nouvelle.
Et Matthieu grec et Marc de répéter ici la sentence qu’employait Luc (22, 18) au sujet de la première coupe, non encore eucharistiée, au début du repas : « Je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père. » (Mt 26, 29 ; cf. Mc 14, 25). Ce vin eucharistié est encore qualifié de ‘produit de la vigne’, même s’il est devenu le sang du Christ.
Marie a-t-elle communié ? On a démontré que Jésus et ses disciples étaient seulement treize à table, puis douze après la sortie de Judas. Mais les saintes femmes faisaient le service du repas. Il est probable que Marie, mère du Christ, était de leur nombre puisqu’on la retrouvera trois jours après sur le Calvaire, selon saint Jean (19, 25-27). Avec elles, elle aura communié au corps et sang du Christ, offerts par anticipation. N’était-ce pas, sans exagération, son propre corps et son propre sang ?
Pour que les présents participassent à ce repas, de fait la première eucharistie, encore fallait-il qu’ils fussent baptisés. Marie l’était certainement, ainsi que les Douze, et quelques autres.
Après l’institution de l’eucharistie, son mémorial pour les générations à venir, Jésus épanche son cœur. Il se livre à ses confidences ultimes. C’est son testament mystique qu’il nous laisse. Les témoignages de Jean et de Luc s’entremêlent. « Mes petits enfants, je n’en ai plus pour longtemps à être avec vous. » (Jn 13, 33). Ce sont les adieux. Suivant immédiatement l’institution de l’eucharistie (qui n’est pas racontée par Jean) vient se placer tout naturellement le commandement essentiel de l’amour fraternel (donné par le seul Jean) : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13, 34). Il en est l’illustration parfaite, et comme la conséquence.
Ici, Jean et Luc de concert placent un incident avec Pierre. Il semble bien, à suivre littéralement la synthèse, que la prédiction du reniement de Pierre ait été faite à deux reprises par Jésus. Une première ici, pendant le repas, selon le témoignage de Jean (13, 38) et de Luc (22, 34) ; une deuxième fois sur le chemin de Gethsémani, après le Hallel, selon la version de Marc (14, 30) et de Matthieu (26, 34) : notre épisode suivant. Est-ce un doublet littéraire ? Ce n’est pas sûr. Cette réitération des mêmes faits paraît au contraire tout à fait vraisemblable, psychologiquement parlant.
Selon Luc (22, 35-38), Jésus conclut cette première annonce faite à Pierre par un avertissement mystérieux, adressé à tous : Jusqu’ici je ne vous ai laissé manquer de rien. Mais désormais ces temps sont clos. Voici l’heure de la violence et du combat décisif : « Que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive. » (Lc 22, 36). Les apôtres, ou plutôt les onze restants, prennent cette mise en garde au sérieux : il y a ici justement deux glaives. Chez le père de Marc, on était armé, sage précaution. Jésus « leur répondit : ‘C’est assez !’ » (Lc 22, 38). Douce ironie : la non-violence du disciple, en effet, n’exclura même pas le port d’arme, pour la légitime défense.
Désormais, nous laissons la parole au seul Jean (chapitre 14 en entier), ou plutôt à Jésus lui-même dans son dialogue avec ses amis jusqu’à la fin du repas. Ce sont les derniers entretiens, mais ils se poursuivront encore sur le chemin de Gethsémani (chapitres 15 à 17 de saint Jean. Notre épisode suivant : 206).
« Que votre cœur cesse de se troubler ! » (Jn 14, 1). Même si la menace plane, et elle est terrible, tout repose entre les mains du Père. Je pars vers la maison du Père, où je vous préparerai une place. « Du lieu où je vais, vous connaissez le chemin. » (Jn 14, 4).
Thomas, l’incrédule, la forte tête, est le premier à réagir. Nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin ? Sa question comporte quelque chose de trivial, de terre à terre, un peu comme celle que posait Nicodème (cf. Jn 3, 4), au début du ministère public.
Mais Jésus d’élever le débat : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » (Jn 14, 5). Autant de titres potentiellement divins. Ils sont le prolongement du « Je Suis » de tout à l’heure (Jn 13, 19). En Dieu, déjà, Jésus est le medium, qui va du Père à l’Esprit, et de l’Esprit au Père, puisque l’Esprit procède du Père par le Fils. Il est la Vérité du Père, en tant que son Fils, et qui lui permet d’être Père. Il est aussi la Vie de Dieu, puisque le Père, et l’Esprit du Père, se réalisent de toute éternité en lui. A plus forte raison l’est-il aussi, medium ou médiateur, vérité, vie, pour les hommes. Mais ce Père, dont je vous parle, déjà vous le connaissez, et vous l’avez déjà vu.
Au tour de Philippe de sursauter, de s’étonner, au nom de tous : « Montre-nous le Père, et cela nous suffit. » (Jn 14, 8). Il y a si longtemps, plus de trois ans maintenant (automne 29 à printemps 33), que je vis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? « Qui m’a vu a vu le Père. » (Jn 14, 9).
Sous une forme simple, confidentielle, Jésus réitère sa pensée métaphysique de la fête de la Dédicace, qui fit si violemment réagir son auditoire juif (notre épisode 167) : « Moi et le Père, nous sommes un. » (Jn 10, 30). Si je suis un avec le Père, je suis donc le portrait vivant du Père. Et qui me voit, même physiquement, voit déjà le Père, par les yeux du corps, avant de le contempler par les yeux de l’esprit. Car Dieu est matière, ou chose. On du moins, s’il n’est pas matière, ou chose, il ne lui manque rien pour être matière, ou chose. Si vous ne parvenez pas à me croire sur ma simple affirmation, croyez-le du moins à cause des nombreux miracles que j’ai accomplis sous vos yeux
Tout ce que vous demanderez en mon nom je le ferai, car je ne suis autre que le medium du Père, le moyen pour accéder au Père. Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Car on ne peut aimer qu’en vérité et en actes, et non pas en paroles seulement. Moi parti, le Père vous enverra un autre défenseur : le Paraclet. Il vivra avec vous, il vivra en vous, dès le jour de la Pentecôte. Car le monde, lui, ne peut le recevoir. Grâce à lui, en lui, je ne vous laisserai pas orphelins. A travers lui, je me manifesterai à vous.
Il appartient à Judas, ou Jude, « pas l’Iscariote » (Jn 14, 22), frère de Jacques, et par conséquent ‘frère du Seigneur’, de relancer le débat. « Comment se peut-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? » (Id.). Parce que la Résurrection du Christ ne sera pas une manifestation mondaine, éclatante, mais plutôt une bonne nouvelle réservée à quelques disciples, les fidèles de la première, comme de la dernière heure, qui à leur tour devront la communiquer aux autres. Elle sera le privilège de ceux qui aiment le Christ et qui gardent sa parole. Les Trois Personnes divines, elles-mêmes, viendront cohabiter en eux.
« L’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14, 26). L’Esprit suppléera le Christ, devenu invisible, et conduira l’Eglise. La collection des écrits, que nous appelons le Nouveau Testament, inspirée par l’Esprit, contiendra les enseignements du Christ. Elle sera complétée par le témoignage de la Tradition, transmise jusqu’à nous par le medium des Pères de l’Eglise, et des grands conciles.
Au moment suprême de ses adieux, le Christ promet sa paix. Cette même paix sera le premier mot du Christ à ses apôtres retrouvés, le jour de sa Résurrection. « Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix » (Jn 14, 27). Je m’en vais, mais je reviendrai vous chercher. Réjouissez-vous « de ce que je vais au Père, parce que le Père est plus grand que moi. » (14, 28). Parole étonnante, et qui en a gêné plus d’un. Le Père, en tant que Dieu, est plus grand que le Fils de l’homme dans sa réalité charnelle. Mais même en Dieu, le Père est plus grand que le Fils en tant qu’origine, car le Père est à lui seul l’origine de toute la divinité.
En fait, dans la Trinité, chacune des Personnes divines est alternativement plus grande que les autres dans ce qui fait sa fonction propre. Le Père est plus grand que le Fils et l’Esprit en sa qualité d’origine. Le Fils est plus grand que le Père et l’Esprit en sa qualité de medium, ou moyen, car il est l’unique medium au sein de la divinité. Enfin l’Esprit est plus grand que le Père et le Fils en sa qualité de fin, ou accomplissement, des processions divines, en sa qualité de fin, ou accomplissement de la divinité. Chaque Personne, au sein de la Trinité, se trouvant alternativement plus grande que les autres, il en résulte que les Trois Personnes divines sont égales entre elles comme l’enseignent le dogme catholique – et le Catéchisme – de la manière la plus formelle. (Cf. entre autres : Concile de Rome, en 382, canon 21. DZ 79).
Nos entretiens s’achèvent car le Prince de ce monde arrive, avec la troupe guidée par Judas. Certes il ne peut rien contre moi, mais il faut que le monde sache que j’aime le Père et que je fais toujours sa volonté.
Et c’est la formule qui interrompt brusquement le repas : « Levez-vous ! Partons d’ici ! » (Jn 14, 31). D’après Jean, on dirait un départ précipité. Mais d’après les synoptiques, on sait qu’on prit le temps de chanter le Hallel (cf. Mt 26, 30 ; Mc 14, 26), en application du rituel juif pour le repas pascal. Ce sont les psaumes 113 à 118 : « Rendez grâce à Yahvé, car il est bon, car éternel est son amour. » (Ps 118, 29 : fin du Hallel).