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174. Paraboles des ouvriers envoyés à la vigne.

Matthieu 20, 1-16.

« Tenez, il en va du Royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il convint avec eux d’un denier pour la journée et les envoya à sa vigne. Sorti vers la troisième heure, il en vit d’autres qui se tenaient, désœuvrés, sur la place, et leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai un salaire équitable.’ Et ils y allèrent. Sorti de nouveau vers la sixième heure, puis vers la neuvième heure, il agit de même. Vers la onzième heure, il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : ‘Pourquoi restez-vous ici tout le jour sans travailler ?’ -- ‘C’est que, lui disent-ils, personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne.’ Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et remets à chacun son salaire, en remontant des derniers aux premiers.’ Ceux de la onzième heure vinrent donc et touchèrent un denier chacun. Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu’ils allaient toucher davantage ; mais c’est un denier chacun qu’ils touchèrent, eux aussi. Tout en le recevant, ils murmuraient contre le propriétaire : ‘Ces derniers venus n’ont travaillé qu’une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur.’ Alors il répliqua en disant à l’un d’eux : ‘Mon ami, je ne te lèse en rien : n’est-ce pas d’un denier que nous sommes convenus ? Prends ce qui te revient et va-t’en. Il me plaît de donner à ce dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de disposer de mes biens comme il me plaît ? ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ?’

« Voilà comment les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

Episode 174. Commentaire.  

C’est justement pour illustrer le proverbe précédent (cf. Mt 19, 30), qu’il tenait du texte parallèle de Marc (10, 31), mais qu’il lisait aussi dans la source Q (cf. Lc 13, 30) que Matthieu grec introduit cette célèbre parabole des ouvriers envoyés à la vigne du Père, et que nous ne connaissons que par lui. Comme on l’a déjà dit, il répétera ce proverbe en finale de la parabole (cf. Mt 20, 16), ce qui forme une inclusion.

« Tenez, il en va du Royaume… »  (Mt 20, 1) commence-t-il. « Voila comment… » (Mt 20, 16) dit-il en terminant. Ce qui forme une autre inclusion.

On ne sait d’où, ou de qui, il tient cette parabole, qui paraît tout à fait authentique. Elle est du meilleur cru de Jésus. Mais le premier qu’on peut soupçonner de la lui avoir transmise n’est autre que l’apôtre Pierre lui-même, dont le nom paraît juste un peu plus haut.

La parabole est construite selon le schéma classique, avec progression, symétrie, et renversement de situation. Les derniers arrivés seront les premiers servis. On ne peut pas prétendre que ceux qui auront le plus travaillé, qui auront « porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur » (Mt 20, 12), seront les moins bien payés : puisqu’ils recevront comme les autres un denier, le salaire convenu et équitable. Ils ne seront pas exploités. Le Maître le souligne intentionnellement.

La parabole respecte l’équité, mais elle froisse les susceptibilités. D’où vient qu’elle est souvent incomprise.

Dans le corps du texte, les six veilles de la journée (si l’on peut s’exprimer ainsi !) sont exactement marquées de trois heures en trois heures, sauf la dernière qui se trouve avancée d’une heure :

La première heure, c’est le point du jour.

La troisième heure (neuf heures du matin).

La sixième heure (midi).

La neuvième heure (trois heures de l’après-midi).

La onzième heure (cinq heures de l’après-midi).

C’est l’histoire d’une seule journée, mais aussi l’histoire de toutes les journées, car toutes se ressemblent. Mais c’est aussi l’histoire du monde, avec la création en Adam, avec l’alliance en Abraham, puis Moïse, puis Jésus-Christ, puis on parvient à la veille du Jugement dernier. On constate que Marc, dans son évangile, qui est inspiré de la prédication de l’apôtre Pierre, divisera la dernière journée de Jésus en ces mêmes cinq veilles (sic) :

A l’aube, la conduite de Jésus vers le Golgotha (cf. Mc 15, 20b).

A la troisième heure, le crucifiement (cf. Mc 15, 25).

A la sixième heure, les ténèbres du Vendredi Saint (cf. Mc 15, 33).

A la neuvième heure, la mort de Jésus (cf. Mc 15, 34).

A la onzième heure, juste avant le sabbat, l’ensevelissement de Jésus (cf. Mc 15, 42).

Pour en revenir à notre parabole, à chaque veille (sic), le même scénario se répète : le Maître sort et embauche des ouvriers pour sa vigne.

Le travail est urgent. C’est le temps de la vendange. Les ouvriers ne sont pas assez nombreux.

Mais pour la paie des ouvriers, c’est au contraire la progression inverse qui s’observe : les derniers passent les premiers, et les premiers attendent leur tour. La surprise : tout le monde reçoit le même salaire, un denier. Le plus fort : ce salaire est juste, puisqu’il est la paie convenue. Tout serait donc pour le mieux si quelques-uns, grain de sable dans la mécanique, ne se mettaient à murmurer. Mais la parole sans réplique du Maître remet vite les choses en place. Reçois ton dû, et puis va-t-en.

Le Maître, c’est Dieu, et la vigne, c’est le Royaume. Les premiers venus dans le Royaume, les juifs par rapport aux païens, les justes, ou les bons pratiquants, par rapport aux pécheurs, ne doivent pas surtout pas jalouser les tard-venus. Car la vie éternelle est la même pour tous, les habitués comme les étrangers. On doit seulement se réjouir d’avoir été embauché, soit de bonne heure, soit tardivement. Cela n’était pas un dû, mais un pur cadeau.

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