Retour au plan : PLAN

Episode précédent

Episode suivant

67. Retour sur l’autre rive.

Matthieu 9, 1. Marc 5, 21. Luc 8, 40.

S’étant embarqué, il passa l’eau et vint dans sa ville. A son retour, Jésus fut accueilli par la foule, car tous étaient à l’attendre.

Lorsque Jésus eut regagné en barque l’autre rive, une foule nombreuse se rassembla autour de lui, et il se tenait au bord de la mer.

Episode 67. Commentaire.

L’équipée vers l’est ayant plus ou moins échoué, mais avec des péripéties mémorables qui feront date, la flottille regagne son port d’attache. On revient sur l’autre rive. Matthieu grec (9, 1) annonce formellement qu’il vint dans sa ville, c’est-à-dire à Capharnaüm, d’où on était parti. Une foule nombreuse l’attend, qui se tenait sur le rivage, d’après Marc et Luc. Et ce détail aussi confirme qu’il ne pouvait s’agir que de Capharnaüm, qui était le lieu de rassemblement des foules. Ces précisions topographiques nous aideront bien pour la suite de l’histoire, car la guérison de l’hémorroïsse et la résurrection de la fille de Jaïre, qui suivent juste après, ne sont pas situées clairement dans l’espace, par aucun des évangélistes. Mais on peut déduire de ce qui précède qu’elles ont bien eu pour théâtre la ville de Capharnaüm. C’est du moins le plus vraisemblable. 

Ce verset Mt 9, 1, on l’aura remarqué, est l’un des points de suture les plus importants de l’évangile de Matthieu grec, le diacre Philippe. On n’y prend pas garde, en général, quand on lit les évangiles individuellement, sans les comparer entre eux. Ce qui est le cas le plus fréquent, et d’ailleurs le plus naturel. Chacune des quatre compositions nous paraît parfaitement cohérente en soi. Et l’on n’entend pas se préoccuper des désaccords qui peuvent exister entre elles. On les accepte telles quelles. Mais lors de la lecture en synopse, ou dans la synthèse qui la suit servilement, la confrontation est inévitable. On ne peut que constater que Matthieu grec a profondément bouleversé la suite des faits. En particulier, la péricope Mt 9, 2-17, située (ici) après la tempête apaisée et l’exorcisme des démoniaques, raconte des faits : la guérison du paralytique dans la maison de Simon-Pierre, l’appel de Matthieu-Lévi et les discussions sur le jeûne qui, chez Marc et Luc, prennent place avant le discours sur la montagne ou le choix des Douze et au début du ministère galiléen, donc bien avant la tempête apaisée.

On dira : mais n’est-ce pas un scandale pour l’esprit d’affirmer qu’un évangéliste, en l’occurrence Matthieu grec, a sciemment (puisqu’il avait Marc sous les yeux) bouleversé la suite des événements de la vie du Christ, au risque d’en donner une vision déformée ?

Certes, c’est un petit scandale de l’esprit, mais on est forcé de l’affirmer car la divergence chronologique des évangiles est un fait patent, irrécusable, que le premier venu peut constater aisément. Si ce n’est pas Matthieu grec qui a opéré cette transformation, alors c’est Marc suivi (généralement) par Luc, et le scandale reste le même. Nous avons fait, on le sait, l’option inverse. Mais tout nous y contraint. On pourrait certes essayer de bâtir une chronologie relative de la vie du Christ en supposant que l’ordre de Matthieu est juste, et en alignant sur lui Marc et Luc, puis Jean lui-même. Nous avons fait nous-mêmes cette tentative, à titre expérimental, sur brouillon. On n’aboutit qu’à des invraisemblances et des incohérences. Il est impossible de s’y tenir. Je souhaite certainement bonne chance à celui (ce n’est pas défendu) qui entreprendrait une synopse (ou une synthèse) construites sur ces nouveaux principes.

Comme à son habitude, dès son retour, Jésus se tenait au bord de la mer, son lieu de prédication privilégiée, les synagogues, en particulier celle de Capharnaüm, étant devenues depuis longtemps trop exiguës. C’est là que les foules l’attendaient et qu’il donnait audience. Son palais à ciel ouvert, si l’on peut dire. Mais quoi de plus magnifique, quoi de plus grandiose, en effet, que ce palais offert par la nature et par la géographie ? Il avait à sa disposition simultanément, à la fois l’air, la terre, la mer et le ciel, les poissons, les animaux terrestres et les plantes, le soleil comme la pluie. En plus, en cet hiver 31-32, la température était des plus agréables. Vraiment paradisiaque. Beaucoup plus, en tout cas, qu’en plein été.

Retour à l’en-tête