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A la vue de Jésus, Hérode fut tout joyeux ; depuis longtemps en effet il désirait le voir, pour ce qu’il entendait dire de lui ; et il espérait lui voir faire quelque miracle. Il l’interrogea donc avec force paroles, mais il ne lui répondit rien. Cependant les grands prêtres et les scribes étaient là, qui l’accusaient avec véhémence. Hérode donc, après l’avoir, ainsi que ses gardes, traité avec mépris et bafoué, le revêtit d’un manteau magnifique et le renvoya à Pilate. Et, ce même jour, Hérode et Pilate devinrent amis, d’ennemis qu’ils étaient auparavant. |
Il est peut-être 10 heures du matin. Sur l’ordre de Pilate, Jésus est transféré du palais d’Hérode, résidence du gouverneur romain, au palais des Hasmonéens tout proche, peut-être à 300 mètres, en contre-bas, et qui dominait la grande place du Xyste, avec ses riches colonnades. C’est là que séjournaient les princes hérodiens, successeurs des hasmonéens, quand ils montaient à Jérusalem.
On ne présente plus Hérode Antipas. Nous le connaissons depuis longtemps. C’est lui qui a présidé à tout le ministère galiléen de Jésus. Et même qui a présidé à son enfance, à son adolescence, à son âge adulte. Jusqu’à sa sortie. Le fait est qu’on l’a peu vu intervenir, jusqu’ici, sauf bien sûr dans l’histoire dramatique de saint Jean-Baptiste. Il n’a presque pas interféré dans la vie de Jésus. Et s’il le fait à Jérusalem, c’est presque à son corps défendant. Sans qu’il l’ait cherché, sans qu’il l’ait sollicité. Les princes, en ce temps-là, se mêlaient bien peu de la vie privée des gens, pourvu qu’on payât l’impôt, ou qu’on ne troublât pas gravement l’ordre public. En réalité, les princes étaient de gros propriétaires terriens, qui se contentaient de régner nominalement, sauf de temps en temps à faire la guerre. L’Etat n’était pas omnipotent, ou omniprésent, comme il l’est aujourd’hui. Il n’y avait pas de frontière définie. Chacun circulait librement, comme on le voit faire à Jésus, depuis ses commencements. Il n’y avait pratiquement pas d’état civil, sauf lors des rares recensements, ou pour le cadastre de l’impôt.
Hérode était tétrarque de Galilée et de Pérée, au moins nominalement depuis le premier testament d’Hérode en 750 UC, 4 avant notre ère. – 4, année d’accession, ou année zéro de son règne. En 33 de notre ère, il était donc dans la 36e année de son règne.
En réalité, il ne régnait que depuis la mort effective de son père Hérode le Grand, en janvier – 1, 753 UC. On ne possède les monnaies émises par lui que depuis cette année – 1. La première série qu’on a conservée porte la date de la troisième année de son règne. Il en fut de même pour son père Hérode le Grand, qui régna par anticipation, nommé roi par le sénat romain en fin 40 avant notre ère, mais qui ne prit Jérusalem qu’en – 37.
Vers 36 de notre ère, Hérode Antipas se laissera entraîner dans une guerre avec les Nabatéens dans laquelle il sera sévèrement battu. Le peuple y verra une « vengeance divine », en punition de l’exécution de Jean-Baptiste. Ayant voulu revendiquer le titre de roi auprès de l’empereur Caligula, en 39 de notre ère, il sera déposé par lui puis exilé à Lyon dans les Gaules. Sa femme Hérodiade partagera son sort.
Donc, en ce premier avril 33, Jésus comparaît devant le tétrarque Hérode. Pour ce dernier, c’est une flatterie de la part de Pilate. Même s’il n’a pas demandé à voir Jésus, il est tout content de le rencontrer, car c’est la première fois. Naturellement, il a beaucoup entendu parler de lui, et surtout à propos des nombreux miracles pour lesquels Jésus était renommé. « A la vue de Jésus, – nous dit Luc – Hérode fut tout joyeux ; depuis longtemps en effet il désirait le voir, pour ce qu’il entendait dire de lui ; et il espérait lui voir faire quelque miracle. » (Lc 23, 8). Dans l’esprit d’Hérode, Jésus est avant tout un thaumaturge, peut-être même, un peu, un prestidigitateur. C’est pour cela qu’il ne l’a pas inquiété jusqu’ici, le considérant comme un prédicateur inoffensif. De plus, il garde sur la conscience le remords d’avoir fait périr Jean-Baptiste. Il lui suffit d’avoir tué un prophète. Il ne veut pas se mêler d’en assassiner un second.
Hérode interroge Jésus avec force paroles. Les grands prêtres et les scribes sont là, qui poursuivent Jésus de leur vindicte. Pourvu qu’Hérode ne s’avise pas de faire libérer Jésus !
Jésus ne répond rien aux accusations. Il ne reconnaît pas l’autorité d’Hérode, qui n’a pas juridiction sur la Judée. Il n’a pas à satisfaire son indiscrète curiosité.
Pour Hérode, frustré, c’est une insolence. Avec ses gardes, il le bafoue. Et, peut-être pris de boisson, il le traite comme un illuminé. Il le fait participer à une mascarade, en le revêtant d’un manteau magnifique, sans doute au cours d’un repas bien arrosé. Puis il le renvoie tel quel à Pilate.
Evidemment, Hérode Antipas porte une lourde responsabilité dans la mort de Jésus, car il aurait parfaitement pu le faire relâcher. Il aurait même dû, car il le tenait pour innocent. Dans les Actes des Apôtres, on verra Luc associer « Hérode et Ponce Pilate, avec les nations païennes et les peuples d’Israël » (Ac 4, 27) pour avoir accompli les desseins providentiels de Dieu sur Jésus.
Suite à cet échange de politesses, Hérode et Pilate redevinrent amis, alors qu’ils étaient brouillés jusque-là, au moins depuis l’incident de l’année dernière, depuis l’affaire des boucliers d’or. (Voir notre épisode précédent).
Luc est seul, on l’a remarqué, à nous rapporter cette comparution de Jésus devant le tétrarque Hérode. Mais comme d’habitude il a puisé cette information complémentaire à bonne source. Les exégètes ont remarqué que l’évangéliste Luc était toujours plus disert que les autres, au sujet d’Hérode Antipas. Peut-être tenait-il le fait de Manaën, ami d’enfance d’Hérode, qu’il a connu à Antioche (cf. Ac 13, 1), ou encore de « Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode » (Lc 8, 3) qu’il nomme parmi l’entourage féminin de Jésus (notre épisode 53). Mais n’oublions pas que Luc a diligenté une enquête sérieuse, à Jérusalem même, au sujet de la vie et de la mort de Jésus-Christ.