D’après la Bible de Jérusalem (édition de 1956)
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Commencement de la Bonne Nouvelle touchant Jésus-Christ, Fils de Dieu. Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et serviteurs de la Parole, j’ai décidé moi aussi, après m’être informé soigneusement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi l’exposé suivi, illustre Théophile, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus. Au commencement le Verbe était Et le Verbe était avec Dieu Et le Verbe était Dieu Il était au commencent avec Dieu. Tout fut par lui Et sans lui rien ne fut. De tout être il était la vie Et la vie était la lumière des hommes Et la lumière luit dans les ténèbres Et les ténèbres n’ont pu l’atteindre. |
Décidément, puisqu’il est à la mode d’écrire des vies de Jésus : on en publie bien une tous les six mois, au moins, même le pape s’y est mis, puis dernièrement, en français, l’historien Petitfils, j’ai résolu moi aussi, excellent Théophile (Théophile, c’est vous, puisque vous êtes tous des amis de Dieu) d’en publier une à ma fantaisie sur le Forum catholique. Elle se déroulera en 244 épisodes. Si j’en publie un par jour, ça fera donc 244 jours. Pourvu que Dieu me prête vie et santé jusque là !
Elle possédera une qualité absolument remarquable entre toutes les biographies : elle sera infaillible !
- Infaillible, vous êtes sûr ? Seul le pape est infaillible, et encore pas toujours.
Benoît XVI lui-même a publié une vie de Jésus de Nazareth, et il n’a pas prétendu être infaillible. Son œuvre, exégétique et théologique à la fois, ne relève pas du domaine du magistère. C’est pourquoi il l’a signée modestement du nom de Joseph Ratzinger / Benoît XVI, pour bien marquer cette réserve.
- Si, si, ma biographie à moi sera infaillible, même si celle du pape ne l’est pas. Je maintiens ma prétention. Je serai plus fort que le pape.
- Comment ça ?
- C’est qu’elle sera composée uniquement de citations de la Sainte Ecriture. Or la Sainte Ecriture est infaillible. Tout le monde le sait.
- Mais vous arrangez la Sainte Ecriture à votre guise. Et cet arrangement n’est tout de même pas infaillible ! Que je ne vous y reprenne pas.
- Certes. L’arrangement est de mon cru. Donc faillible. Mais le contenu, lui, sera bel et bien infaillible. C’est déjà beaucoup.
Si l’arrangement que je fais des saintes Ecritures est de mon fait, il n’est tout de même pas arbitraire. Il est déterminé par un ordre rigoureux, a priori, et logique, auquel je me suis astreint sans aucune défaillance, sans aucune exception. Il est temps que je m’explique.
Je suis l’auteur d’une synopse chiffrée des évangiles, qu’on peut trouver sur mon site. Chiffrée, puisqu’elle est composée uniquement de références aux textes bibliques, sous 244 rubriques, correspondant à autant d’épisodes évangéliques.
Cette synopse, partant du présupposé (qui se vérifie à chaque page) que la Théorie des deux sources est exacte, est bâtie sur les principes rigoureux suivants :
1. Priorité absolue à l’ordre de Marc.
2. A défaut de Marc, priorité absolue à l’ordre de Luc. Matthieu vient ensuite.
3. Jean vient naturellement s’insérer, sans aucune interversion, sans aucune modification, dans ce schéma des trois synoptiques.
Puisque les épisodes, dans les évangiles, ne se suivent pas exactement dans le même ordre, quand on les met en parallèle, ou en synopse, on est bien obligé de choisir un fil directeur. Il résulte immédiatement de ces principes que l’ordre de Marc, et de Jean, dans la synopse, est intégralement respecté. On peut donc lire ces deux évangiles à la suite, sans aucune modification, sans aucune interversion, sauf qu’ils sont parfois mélangés avec le texte des deux autres. Par contre, certaines péricopes de Luc, 9 seulement, au total, et même assez brèves, connaissent quelques déplacements, pour être mises en parallèle avec Marc. L’évangile de Matthieu, quant à lui, connaît un profond bouleversement. Pas moins de 71 de ses péricopes, et parfois de très importantes, et même des paquets entiers de péricopes, sont changées de place, pour être mises en regard de Marc, ou de Luc quand Marc est absent.
Les références des péricopes déplacées, pour ne prêter à aucune confusion, seront systématiquement citées entre parenthèses. Par exemple : (Mt 13,36-52).
La synthèse des quatre évangiles, que je propose maintenant, ne fait que suivre la synopse chiffrée. Elle est sa mise en application. Elle obéit donc aux mêmes principes.
On pourrait demander une justification de ces principes directeurs. Pourquoi suivre systématiquement l’ordre de Marc (ou de Luc, quand Marc n’est pas là) ?
C’est, je l’ai dit, une mise en œuvre de la Théorie des deux sources. Je vais tenter de justifier ces principes. Mais je le dis tout de suite. Si l’on essayait d’obéir à d’autres consignes : par exemple suivre l’ordre de saint Matthieu, on aboutirait immédiatement à des difficultés insurmontables. Faites l’essai, si le cœur vous en dit ! C’est évidemment Marc qui est le document-maître, celui qui dirige tous les autres, qui est le cœur, ou pour mieux dire la charpente de tout l’édifice de nos quatre évangiles canoniques. Je dis bien des quatre, car Jean lui-même tient compte du schéma de Marc, surtout pour la narration de la Passion, mais pas seulement.
C’est évidemment Marc le document conducteur. C’est pourquoi on le suit de façon rigoureuse.
La priorité accordée à Luc, en l’absence de Marc, est plus difficile à justifier. Elle a quelque chose d’a priori, de systématique. C’est que, quand Marc fait défaut, et que Matthieu et Luc sont seuls en regard, on est en présence de la source Q, définie par les exégètes allemands. Or comme Luc a beaucoup mieux respecté la séquence de Marc que Matthieu grec (ce dernier étant probablement le diacre Philippe), on suppose sans preuve, mais il faut bien choisir, que Luc a également mieux respecter la séquence de l’évangile araméen que Matthieu grec lui-même. Bien plus, qu’il l’a inséré par plages entières dans son propre évangile en interrompant la chaîne de Marc : principalement pour le Sermon sur la montagne et sa suite immédiate (Lc 6,20 – 7,35) et pour la grande insertion de la montée à Jérusalem (Lc 9,51 - 18,14). C’est d’ailleurs ce principe, suivre l’ordre de Luc, qu’adoptent la plupart des exégètes quand ils entreprennent de reconstituer pour leur compte la source Q.
En s’attachant à ces principes directeurs, suggérés par la Théorie des deux sources, on aboutit à un ordre logique, très souple, très lisible. On débouche sur une chronologie relative de la vie de Jésus, très vraisemblable, sans rien d’arbitraire. Il est évident, à mon sens, que Jean, avant d’écrire, a connu l’œuvre de Marc, et celles de ses deux autres devanciers. Il a voulu les compléter sans les contredire en rien.
Dans la suite de la vie du Christ, telle que prévue ici, construite sur une harmonie des quatre évangiles, on ne rencontrera qu’une seule anomalie importante. Mais cela viendra assez tard : à l’épisode 101. J’aurai tout le temps de m’en expliquer, le moment venu. On sera obligé de supposer qu’après la fête des Tentes, racontée par saint Jean (cf. Jn 7,2 – 10,21), Jésus sera revenu en Galilée sans qu’aucun des évangélistes ne le signale, pas plus Jean que les synoptiques. Mais ce silence n’a rien d’insolite, étant donné le caractère lacunaire de nos quatre évangiles canoniques. Aucun n’a prétendu donner une biographie exhaustive de Jésus. Il faut les prendre tels qu’ils sont, et essayer de les concilier entre eux. On y parvient très aisément. Sans jamais forcer (ou encore moins contredire) les textes. Ce serait une erreur grave de les opposer.
On rencontrera quelques anomalies secondaires, celles-ci plutôt amusantes, quand par exemple Matthieu (qui a tendance très nette à doubler les choses) voit deux démoniaques, au-delà du lac de Galilée, tandis que Marc et Luc n’en mentionnent qu’un ; ou encore deux aveugles à Jéricho tandis que Marc et Luc ne parlent que d’un ; ou encore l’ânon et l’ânesse pour Matthieu, tandis que Marc et Luc n’ont gardé le souvenir que d’un seul âne. Evidemment, on aura quelque difficulté à concilier les textes, dans ces rares cas. Mais je mettrai des parenthèses pour laisser place aux deux lectures possibles, sans jamais choisir entre elles. Et, en commentaire, je signalerai les frottements, ou les flottements, de la tradition. A mon avis, ces légères divergences ne font qu’accroître le sentiment de fiabilité qu’on doit reconnaître aux textes. On voit bien, on constate, qu’ils n’ont pas subi d’harmonisations intempestives de la part des scribes. Ces derniers nous ont conservé, en principe, la teneur originelle.
La meilleure des histoires de Jésus, c’est encore celle que nous livrent principalement les quatre évangiles canoniques. On fera aussi appel, dans quelques cas, surtout vers la fin, à de rares passages des Actes ou des épîtres de saint Paul, principalement pour les apparitions du Christ après la Résurrection, et pour le récit de l’institution de l’eucharistie, de même pour la mort de Judas, racontée aussi dans les Actes.
Mais on est bien obligé, pour décliner la vie de Jésus, d’adopter une ligne directrice la moins arbitraire possible, car les évangélistes n’exposent pas toujours les faits dans le même ordre.
Chaque épisode de la synthèse sera suivi d’un commentaire de ma part, improvisé, exposant les raisons de mes choix, la place de l’épisode dans la chronologie relative de la vie du Christ. Bref, ce que j’en pense.
Le commentaire, lui, ne sera pas infaillible, ni exhaustif (on a tant dit, tant écrit, sur les évangiles !). Il pourra être aisément contredit, ou complété. Ou même passé sous silence, si ça (le commentaire) n’a pas d’intérêt.